21 Juin Le Pen/Hollande : retour sur les dessous (non verbaux) du clash au parlement
La presse française a salué quasi-unanimement la réponse de François Hollande à Marine Le Pen, qui l’avait qualifié au parlement européen de « vice-chancelier, administrateur de la province France ». Si les commentaires ont été nombreux sur la joute oratoire, peu ont relevé que la passe d’armes avait essentiellement eu lieu sur le terrain non verbal. Retour sur les dessous d’un clash.
Ce discours devait être un « moment historique » selon la presse européenne. 26 ans après celui de François Mitterrand et Helmut Kohl, François Hollande et Angela Merkel devaient produire un « discours fort » sur l’Europe devant le parlement à Strasbourg. S’ils ont parlé de la nécessité d’une Europe plus soudée, c’est un tout autre événement qui a retenu l’attention : le clash entre Marine Le Pen et François Hollande. « Merci madame Merkel de venir avec votre vice-chancelier, administrateur de la province France », loue avec ironie Marine Le Pen en parlant de François Hollande, avant de délivrer un discours sur l’immigration et la souveraineté française. De son côté, François Hollande a vivement réagi à cette attaque, en distinguant souveraineté et souverainisme, et en mettant en garde contre des politiques menant selon lui à un retour « au nationalisme, au populisme, aux extrémismes ».
Sur le fond donc, rien de nouveau sous le soleil. Sur la forme en revanche, cet échange illustre parfaitement l’importance de la communication non verbale et paraverbale des tribuns dans la perception que s’en fait l’audience. Et bien sûr, dans sa perception du « vainqueur » du débat.
L’importance de la communication…lorsqu’on n’a pas la parole
Premier élément remarquable : la réaction d’Angela Merkel à l’invective de Marine Le Pen, qualifiant François Hollande de vice-chancelier allemand. Quasi-imperceptible par l’œil non entraîné, Angela Merkel affiche clairement une expression d’amusement contenant un élément de mépris. Mme Merkel montre ainsi, entre 00:00:07 et 00:00:11, un sourire subtil mais nettement visible (unité d’action 12 du Facial Action Coding System). Ce mouvement facial est caractéristique d’une forme d’amusement (contraction du muscle zygomatique majeur) que Mme Merkel cherche à cacher (sourire subtil) suite à la charge de Mme Le Pen, mélangée à un sentiment de mépris du fait de l’aspect unilatéral (côté gauche) du sourire.
Du côté des orateurs, au-delà des sourires de façade, ce sont des expressions faciales d’émotions différentes qui échappent à Marine Le Pen et François Hollande. On voit par exemple que la réponse de François Hollande, accusant à mots à peine couverts le Front National de vouloir in fine « sortir de la démocratie », ne manque pas de provoquer une colère non simulée chez Marine Le Pen (révélée ici par la contraction des unités d’actions 23 et 24 du Facial Action Coding System notamment). Quant au Président français, ce sont essentiellement des signes d’anxiété, souvent perçus comme anti-charismatiques, qui sont révélés par des sourcils relevés et contractés (unités d’actions 1+2+4).
Plus remarquable encore : Marine Le Pen et François Hollande font preuve d’une différence d’attitude nette…précisément lorsqu’ils n’ont pas la parole. Tandis que François Hollande ne semble pas apporter une attention particulière à sa communication non verbale pendant l’intervention de Marine Le Pen, cette dernière semble au contraire avoir parfaitement intégré le fait que l’on communique même lorsque l’on ne parle pas. François Hollande effectue ainsi des gestes parasites de manipulation de son stylo pendant cette séquence, et se contente au plus de marquer sa désapprobation en feignant d’ignorer son adversaire, en détournant son regard d’elle et avec quelques faux sourires. Par contraste, Marine Le Pen ne manque pas d’applaudir ironiquement les propos de son détracteur, de le pointer du doigt d’un geste accusateur et de parler distinctement pendant son intervention.
Ces procédés semblent d’ailleurs particulièrement bien assimilés par le clan Le Pen. Avant les élections départementales de mars dernier par exemple, Marion Maréchal Le Pen avait usé du même procédé lors d’un autre clash qui avait fait l’actualité, avec le Premier ministre Manuel Valls. Si la presse avait essentiellement relevé la charge de la députée à l’égard du Premier Ministre (« gardez donc votre mépris crétin ») et la main gauche tremblante de Manuel Valls lors de sa réponse, c’était à nouveau la volonté de la députée du Vaucluse de communiquer même lorsqu’elle n’avait pas la parole qui était remarquable.
Crédit vidéo : BFMTV ; Public Sénat.